Hausse des prix des voitures neuves : qui sont les vrais responsables ?

Quand j'entends les patrons des grands groupes automobiles expliquer que la flambée des prix des voitures neuves est due aux réglementations européennes, je ne peux m'empêcher de sourire. Cette mélodie bien rodée vient d'être sérieusement désaccordée par une étude révélatrice de l'Institut mobilités en transition. Et les résultats sont, comment dire... plutôt embarrassants pour l'industrie.

La vérité derrière l'explosion des prix

Entre 2019 et 2024, le prix moyen d'une voiture neuve a bondi de 6 800 euros, soit une hausse vertigineuse de 24%. Un chiffre qui donne le tournis et qui explique pourquoi tant de Français renoncent aujourd'hui à changer leur véhicule. Mais contrairement au refrain que nous servent les constructeurs, les normes environnementales ne sont responsables que de 6% de cette augmentation.

Le reste? Un savant mélange entre facteurs économiques subis (6% liés aux matières premières, salaires et énergie) et surtout... 12% de décisions purement commerciales prises par les constructeurs eux-mêmes. Voilà qui change la partition!

La stratégie du SUV et de la montée en gamme

Adieu petites citadines, bonjour profits

La disparition progressive des petites voitures abordables n'est pas un accident. C'est une stratégie délibérée. Les constructeurs ont massivement investi dans les SUV et les véhicules haut de gamme, bien plus rentables. Mercedes abandonne ses modèles moyens, Ford mise tout sur les gros véhicules, et même les marques généralistes suivent le mouvement.

Cette politique du "toujours plus grand, toujours plus cher" a un nom dans le jargon du marketing : le "pricing power". Une façon élégante de dire qu'on augmente les marges sur chaque véhicule vendu. Et ça marche : les résultats d'exploitation des constructeurs ont presque doublé, passant de 80 milliards d'euros (2015-2019) à 145 milliards (2020-2024).

Les grands perdants de l'équation

Pendant que les bilans financiers s'embellissent, le marché s'effondre. Les ventes de voitures neuves ont chuté de 14% en Europe entre 2020 et 2024, avec une dégringolade encore plus marquée en France (-22%). La raison est simple : les classes moyennes et populaires sont progressivement exclues du marché du neuf.

En 2019, ces catégories représentaient 43% des acheteurs européens. En 2024, elles ne pèsent plus que 31%. Un recul dramatique qui explique la patine accélérée du parc automobile français.

Astuce pour les acheteurs malins

Face à cette inflation organisée, tournez-vous vers les fins de série des modèles compacts ou les véhicules de démonstration. Ces derniers offrent souvent un rabais de 15 à 20% pour quelques milliers de kilomètres au compteur. Une alternative raisonnable quand le marché joue contre vous.

La transition électrique en otage

Cette stratégie de montée en gamme affecte aussi la transition vers l'électrique. Le prix des voitures à batterie a augmenté de 17%, principalement parce que les constructeurs privilégient les SUV électriques aux citadines branchées. Résultat : l'électrique reste inaccessible pour beaucoup, malgré les aides gouvernementales.

Le caractère abordable des voitures, cette qualité essentielle qui a démocratisé l'automobile au siècle dernier, semble aujourd'hui sacrifié sur l'autel de la rentabilité. Un choix qui pourrait se révéler à double tranchant pour une industrie qui a besoin de volumes pour survivre.

Comme on dit en Toscane, "chi troppo vuole nulla stringe" - qui trop embrasse mal étreint. À force de vouloir maximiser les profits à court terme, les constructeurs risquent de perdre ce qui fait le vrai ronronnement de leur moteur économique : des clients fidèles et satisfaits.